La Vérité n’est pas une construction intellectuelle

La tendance majoritaire dans notre société de plus en plus connectée est de s’écarter de l’Être pour privilégier l’opinion dans une forme d’exaltation, par la prise de position dans le débat ou la polémique du moment par exemple, et hors de son domaine de compétences (ultracrepidarianisme). Il s’agît globalement d’imposer son auto-narration inspirée par le mental et l’ego dans le village global. Cela tout en sachant les turpitudes du bavardage en ligne sur les réseaux. Cet ensemble de pensées collectives et singulières constituent des vérités relatives. Celle des interprétations. Nous baignons dedans mais aucune ne renferme « la vraie conviction ». Par définition, une opinion n’est pas la vérité brute qui elle, est organique, universelle. La Vérité n’est pas une construction intellectuelle.

Tout homme a en lui son Pathmos. Il est libre d’aller ou de ne point aller sur cet effrayant promontoire de la pensée d’où l’on aperçoit les ténèbres. S’il n’y va point, il reste dans la vie ordinaire, dans la conscience ordinaire, dans la vertu ordinaire, dans la foi ordinaire, ou dans le doute ordinaire ; et c’est bien. Pour le repos intérieur, c’est évidemment le mieux. S’il va sur cette cime, il est pris. Les profondes vagues du prodige lui ont apparu. Nul ne voit impunément cet océan-là. Désormais il sera le penseur dilaté, agrandi, mais flottant ; c’est-à-dire le songeur. Il touchera par un point au poète, et par l’autre au prophète. Une certaine quantité de lui appartient maintenant à l’ombre. L’illimité entre dans sa vie, dans sa conscience, dans sa vertu, dans sa philosophie.

Victor Hugo (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »