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Un merveilleux et curieux cortège traverse la salle

Rappelez-vous l’épopée de Perceval (celui qui « perce le voile »), parti à l’aventure sur sa monture. Il arrive sur des terres sinistrées, dans un environnement qui semble sans vie. Comme si la nature souffrait de dépression. Les maisons ne semblent pas réellement habitées. Le chevalier aperçoit un vieil homme en train de pêcher dans une rivière relativement asséchée. Il se rend auprès de cet ancien qui se trouve être le Roi. Le souverain est un homme malade de ses blessures qu’il ne parvient à guérir. Un état qui rejaillit sur son royaume, sinistre. Le Roi déprimé se contente d’aller à la pêche alors qu’il sait qu’il n’en ramènera rien.

Malgré son état, il offre – en homme de qualité – à Perceval gîte pour la nuit et couvert en son château. Ce que le jeune homme accepte même si le chemin pour s’y rendre est ardu. En effet, il faut passer par une faille rocheuse (trop étroite pour qu’un ego vigoureux et incompatible avec une quête initiatique ou une évolution spirituelle ne s’y glisse). Si le château est magnifique et contraste avec le reste du royaume, ses habitants semblent malheureux. L’endroit n’est que silence et tristesse. L’heure du dîner arrive, Perceval en tant qu’invité d’honneur prend place à côté du Roi. Étonnamment, les nombreux mets sont raffinés, le vin est divin. Le repas contraste avec la déprime prégnante. Mais il n’apporte aucune joie auprès de la cour.

Surprise, un merveilleux et curieux cortège traverse la salle. Il est composé en sa tête d’un jeune homme blond, tout de blanc vêtu. Il tient une lance sur laquelle glisse un peu de sang. Suivent deux jeunes hommes tenant des chandeliers d’or. Derrière eux, une femme d’une incroyable beauté avec un plateau d’argent aussi remarquable que flamboyant, sur lequel se trouve une coupe d’or sertie de pierres précieuses. Cette coupe rayonne et diffuse les plus envoûtants reflets de lumière. Le cortège passe une fois, Perceval n’ose parler. Puis une deuxième fois. Puis à une troisième reprise. Le chevalier n’ose interroger le Roi pour comprendre la motivation de ce cortège magnifique, atypique et inattendu. D’autant plus qu’à chaque passage, les lamentations se font plus fortes à table et les pleurs plus nombreux. Notre héros, incommodé, choisit la tangente et ne demande pas d’explication à ce spectacle. Il choisit la facilité et ne cherche pas à comprendre le sens de tout cela. Après ce bien étrange dîner, Perceval rejoint sa chambre pour la nuit.

Le lendemain matin le chevalier découvre un château désert. Il retrouve son cheval dans l’écurie et quitte les lieux. Sur le chemin, une cavalière fonce vers lui et l’interpelle« Tu es un mauvais chevalier ! Pourquoi n’as tu pas demandé au Roi ce qu’était ce cortège ? Cette simple question aurait provoqué sa guérison et redonné vie à notre cité ! Mais tu n’as rien fait, tu n’a porté aucun intérêt ! Va maintenant vivre tes aventures, mais que ta conscience ne trouve pas de repos tant que tu n’auras pas réparé ta mauvaise action ! » Puis elle repart aussi promptement.

Désigné coupable par cette femme venue de nulle part, Perceval entend retourner au château du Roi Pêcheur afin de corriger son erreur, afin de porter attention à ce qui était sous ses yeux, avec une autre intention, et libérer le Roi de sa souffrance et le royaume de sa petite mort. Mais il erre, se perd. Il ne retrouve pas le fameux château.

Plus tard, Perceval raconte cette histoire à la cour du Roi Arthur. Tous les chevaliers décident de partir au secours de ce royaume dévasté par la douleur de son Roi. Et c’est Perceval qui est le premier à le retrouver. De nouveau invité au dîner du château, il ne manque pas l’opportunité au passage du cortège et demande au Roi son sens. Ce simple « pourquoi ? » venant du cœur redonne comme par magie (car l’âme agît) la vitalité au souverain, au pays, aux siens, qui n’attendaient que cela. Car on ne peut rien pour celui qui ne pose pas de questions.

Graal

Le Roi Pêcheur révèle à Perceval que la coupe est le Graal. Dans son interprétation moderne il est un objectif difficilement réalisable, mais qui apporte de nouvelles connaissances et/ou permet une application originale sur la matière. D’ailleurs on qualifie la théorie de grande unification (théorie du Tout) de « Graal des physiciens ». Le Graal, un Tout… L’essence de l’Homme est le questionnement dynamique. Encore faut-il qu’il soit motivé par une juste intention et capable d’une véritable attention. Tout est déjà là, si près, il n’y a rien à inventer, juste se reconnecter, se retrouver, pour être digne de lever le voile. Chaque interrogation est une porte que l’on ouvre. Surtout, la matière première (materia prima) est proche. Mieux, elle est en nous.

Symboliquement, cette légende explique que, sans ouverture, sans quête et sans cœur, tout se déprime, rien n’évolue, l’incomplétude demeure. Sans œuvre personnelle au sein d’une œuvre collective, pas de Grand Œuvre. Ce conte explique qu’on choisit de demander et de recevoir une impulsion. Le libre-arbitre est respecté. Cette histoire raconte qu’on peut mourir de soif à côté de la fontaine, ne pas se nourrir alors qu’on est convié à a table des sagesses. Le déconditionnement est un cap à passer lorsque l’on est en quête de Connaissance et de réalisation de l’Amour Inconditionnel au delà des apparences trompeuses entretenues par l’ego. Cette intention, à elle seule, enclenche le processus.